Escale turque: 15 heures, 40 minutes

Aéroport d’Istanbul. Jour 1

Au retour de mon escapade de quelques heures dans la vieille Istanbul, y’avait une dame en larmes qui attendait l’ascenseur à la porte des départs. L’émotion est revenue me percuter, intacte. Comme si je l’avais laissée sur le bord de la porte où l’on s’est quitté pour la reprendre à mon retour.

Depuis le début de nos préparatifs au milieu de cette semaine, je ne m’étais pas complètement laissée aller encore. Sauf si tu me serrais un peu fort dans tes bras, tes paumes au milieu de mon dos. Alors là, l’éponge, elle dégouttait tranquillement en silence.

J’ai acheté une limonade hors de prix pour pouvoir t’écrire quelques mots, tenter de défaire le nœud dans mon ventre. J’pas certaine que ç’a aidé.

Blue Mosque
Devant la mosquée Bleue, Istanbul

Je suis maintenant assise sur un banc à la Gate 210, la première qui ne m’a pas semblé surpeuplée. Il est 3 heures du matin. Je réalise qu’il reste encore 4 heures d’attente avant mon vol.

Je m’effondre en larmes. Les gros bouillons m’envahissent. J’ai les épaules qui shakent. J’en suis gênée.

Bosphore
Le détroit du Bosphore

 

Je tente de me consoler. Je ne sais plus trop pourquoi je pleure: j’ai mal au cœur,  à la tête, mes jambes me pèsent, pis y’a les pensées catastrophes. L’angoisse. J’ai peut-être faim? Soif?

C’est peut-être le cocktail d’émotions, fruits de la passion, un peu fort que j’ai pris tantôt quand je t’ai observé traverser le contrôle de sécurité vers la section des transits internationaux? Ah b’en, tiens don’, je suis contente de n’avoir que rarement le rôle de celle/celui qui reste.

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Mon délicieux sandwich au poisson du Bosphore cuit sur la rue!

Je suis épuisée. Je manque de sommeil, mais comme je ne dois pas m’endormir profondément, de peur de manquer le vol (je ne connais pas encore le numéro de ma porte d’embarquement), je me réveille à la demi-heure depuis minuit.

Entre chaque sieste, j’erre dans les couloirs qui se vident de plus en plus, à travers les commerces qui ferment et, donc, mes possibilités de connexion WiFi aussi. (L’aéroport d’Istanbul ne fournit pas d’Internet gratuit, à moins d’avoir accès à ses SMS, pis encore là, c’est seulement pour 2 heures. Ça veut dire, paie-toi un café dans un resto qui fournit un accès à ses client.e.s.)

Hagia Sofia
Devant Ayasofya/Hagia Sofia (Sainte-Sophie), Istanbul

 

Ça s’empire. J’ai du mal à respirer, j’ai envie de vomir. Crisse, que c’est rough cette fois-ci. La course contre la montre jusqu’à 20h, le 11 mai. Tous les adieux de la dernière semaine. Toutes ces manifestations d’amour et d’affection à mon égard.

Quatre-vingt-huit jours, quessé tu veux, ça m’semblait vraiment beau sur papier. Là, j’ai juste le goût de te crier: «Maman, je veux revenir à Montréal!» Mais bon, je m’en voudrais éternellement d’écouter ce poignant désir. Alors, je vais plutôt user d’une de mes stratégies adultes de gestion d’émotions et lister en quoi c’est la fin du monde, cette nuit, à Istanbul, le 13 mai 2018. (J’te l’partage à condition que tu ris pas.)

  • J’ai dormi dans l’avion hier soir; je dors sur un banc d’aéroport cette nuit. J’ai le corps endolori dans mes leggings trop voyants, trop moulants, et mon chandail qui ne cache pas mes fesses. Je sens encore les traces des regards soutenus qu’on m’a lancés dans la rue tantôt. J’préfère passer inaperçue.
  • Y’a pas d’abreuvoirs dans l’aéroport, pis j’ai oublié ma Nalgene rouge 1000 ml dans le dernier avion (petite pensée pour tes 13 années de loyaux services). Des bouteilles d’eau en plastique, c’est l’yâble en parsonne.
  • Le dernier mois et demie de scolarité a été stressant et occupé: j’ai encore une fois beaucoup donné pour répondre à des objectifs personnels… élevés. Les études, ça me permet de fleurir d’accomplissement et, en même temps, de pourrir de perfectionnisme et de désir de performance.
  • Le transit affecte le transit intestinal, passant du bouchon à la tartinade. Comble de tout, en pleine nuit, certaines cabines manquent de papier de toilette… et moi, ça m’a donné des sueurs froides.
  • Un mal de seins, qui a commencé hier matin, m’a rappelé de mettre ma DivaCup dans mon sac d’avion, au cas où; le cycle lunaire recommence d’un jour à l’autre.

La sensibilité émotive devrait donc laisser sa place au flux sanguin. Courage, j’dois tenir quelques jours: dormir et laisser d’autres hormones reprendre le dessus.

T’inquiète, écrire tout ça et pleurer tout mon soûl, ç’a rétabli le calme intérieur. J’suis prête pour Sarajevo.

Suleyman tomb
Le tombeau de Suleyman. Tsé… le sultan dont je devais, initialement, suivre les traces jusqu’à Vienne?!