Potpourri estival

Salut, salut!

Petit spécial du vendredi, l’article d’aujourd’hui ne se lit pas, il s’écoute! Il est en deux parties: une intro et ledit potpourri d’observations sur mon parcours estival.

Ah pis! J’me prends pas au sérieux. Tu peux aussi bien rire d’la fille que de ce qu’elle dit! J’t’en voudrai pas! Tu vas devoir migrer sur YouTube en cliquant sur les liens ci-bas, parce que j’voulais pas payer les frais de WordPress qui m’aurait permis de te fournir directement l’audio, comme un podcast.

D’abord la p’tite introduction pour te remettre le personnage en tête (des fois que tu l’aurais oublié en trois mois!) : https://youtu.be/5jQGxQRs-i8

Quant au potpourri audio des observations balkaniques estivales, il est ici: https://youtu.be/Kr8pUBim7jQ et les photos explicatives sont ci-bas!

C’est ça qui est ça! Tu m’diras si ça t’as apprécié le fait de m’écouter au lieu d’me lire!

Squatting Slavs
Squatting wannabe Slavs

 

 

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Couple mal assorti
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Payer 1 euro pour des toilettes qui puent.
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Mon aliment de base

 

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OH! Exhibie, une beau bâtiment en briques, on fait-tu un shooting photo?!
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«Le shopping est le sport des femmes!»

 

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Cheers!

 

Canyon Matka: Take a kayak and go, Ov’ry, go!

***Remerciements au parrain d’Ovaire et à sa conjointe pour avoir mis à l’eau très jeune ma carcasse d’intello dans un kayak***

Ça s’est passé exactement comme lorsque je n’associe pas correctement l’idée et les mots «droite» et «gauche» (pas politique, là!), mais que mes mains t’indiquent la bonne direction. Malgré tous les indices évidents, j’étais convaincue qu’il était temps de partir. En anglais, ils appellent ça perceptual glitch (un bogue dans la perception). C’est notamment grâce à cela qu’on devient magicien.ne; il suffit de réussir à créer ce bogue chez une autre personne.

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Canyon Matka, près de Skopje, Macédoine

T’as remarqué que j’ai pas écrit «je confonds ma droite et ma gauche». C’est que, tu vois, j’ai réalisé que c’tait pas vrai. Ça rien à voir avec un trouble de la latéralité, de l’organisation spatiale ou du sens de l’orientation. (T’es bien placé.e pour en témoigner en ayant avec moi voyagé/marché dans une nouvelle ville ou suivi des cours de géométrie donnés par une dyade de chargées de cours… colorées!) Au contraire, quand quelqu’un.e m’explique un itinéraire en utilisant ses mains ou des signes de tête, j’ai alors 100% des chances d’arriver à bon port sans même jeter un coup d’œil à la carte.

Note à part, le bogue d’identification droite-gauche serait symptomatique de personnes empathiques (tsé, un.e prof qui est face à toi et qui te montre sa main gauche en te disant que c’est ton côté droit….) et instinctives, maniant adroitement la pensée abstraite (un concept peut avoir plusieurs noms/étiquettes, tant que je comprends ce que tu veux dire. L’important c’est de s’entendre sur le sens, sur ce que ça signifie pour les personnes impliquées).

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Canyon Matka, Macédoine

Voilà. J’avais paqueté soigneusement les p’tits; mon linge était tout propre, tout sec; mon lunch était prêt (tsé les fois que t’es particulièrement satisfait.e de ton organisation?!); quand je me suis rendu compte que je ne partais pas pour le Kosovo avant le surlendemain.

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Rivière Treska, Macédoine

B’en oui, à moins de deux semaines du retour, j’ai perdu la notion du temps. J’ai fouillé et j’sais b’en pas où j’ai pu la mettre. J’soupçonne que le fer plat a quelque chose à voir dans cette affaire… ou en tous cas, le même genre de mirage mental est à la base de ces actions complètement insensées. Être convaincue d’une chose et agir en conséquence, jusqu’à ce que je prenne une seconde (juste une) pour y penser ou me questionner et que TOUT tombe.

J’voulais dire «l’autre gauche», là, tsé, celle d’la prof!  Dire que pendant 2 jours j’ai agi comme si le 25 juillet 2018 c’était le mardi…

Faque le lendemain matin j’suis partie pour le Canyon Matka en banlieue de Skopje. J’avais gagné une journée de plus en Macédoine.

 

*****

J’étais dans le bus à 8h du matin. J’avais pas réorganisé mon sac pour une expédition en nature. Le personnel de l’auberge avait regardé mes sandales Chaco d’un mauvais oeil en me disant: «You need good shoes, you know, Matka Canyon is a mountain./Faut que tu mettes tes espadrilles, tsé, c’est en montagne!» J’leur ai pas dit que j’avais fait les Picos de Europa avec elles… et que, c’est bon, c’tait faite anyway pour ce voyage-ci, j’m’étais déjà éclaté le gros orteil… sur du plat, sur une route pavée.

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Bateaux à moteur, Canyon Matka, Macédoine

On est mardi, il annonce des orages en début d’après-midi, le canyon est vide (Ma passe VIP fonctionne ici aussi ‘faut croire!). En chemin le long du lac Matka près d’une vieille église et d’un café surgis au milieu de nulle part, il y a un kiosque.

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Église orthodoxe, Canyon Matka, Macédoine

Tu peux choisir de poursuivre ton exploration du canyon à pied, en bateau à moteur ou en kayak. Tu peux aussi visiter une caverne, l’option bateau à moteur t’y amène justement.

Sur un banc attendent un jeune couple d’Hollandais (je dis jeune, parce qu’ils m’ont trouvée «vieille pour la face que j’ai»). On jase.

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Location de kayak, Canyon Matka, Macédoine

Ils me convainquent de ne pas poursuivre ma route à pied. Ils l’ont tenté et il y a une vraie infestation de chenilles sur le sentier. Ils ne sont pas rebutés par les insectes, mais ont trouvé cela insoutenable.

Il est hors de question que je me paie une ride de barque à moteur (aussi bien se payer une indigestion!). Mais il me manque l’équivalent de 1,50$ canadien sur les 16$ nécessaires pour louer un kayak durant deux heures (le temps requis pour se rendre à la caverne et revenir). Les Hollandais m’offrent le 1,50$.

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Lac Matka, Macédoine

J’hésite tout de même. Je suis hantée par l’idée de ne plus avoir un sou dans mes poches pour le reste de la journée, et ce, à des kilomètres du guichet le plus proche. Pire, la pensée-catastrophe suivante tourne en boucle: «Et si, n’ayant pas beaucoup sollicité mes muscles de bras cet été, je n’arrivais pas à faire l’aller-retour en deux heures?». Je me voyais déjà engueulée et humiliée de retour au kiosque, n’ayant pas assez d’argent pour payer une location de deux heures et demie, trois heures.

J’ai plongé. C’est ici que je remercie au passage le parrain d’Ovaire et sa conjointe pour m’avoir très jeune mise à l’eau dans un kayak, appris à pagayer et obligée à persister malgré les difficultés. J’en ai déjà parlé ici, aux ‘stats-Unis, mais y’a de ces voix du passé, des choses qu’on nous a dites, qui résonnent «au bon moment» dans notre esprit. Et ça me fascine que des conseils datant d’il y a une quinzaine d’années puissent ressortir avec l’adrénaline.

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Là où j’ai amarré mon kayak pour visiter la caverne

Ainsi, malgré le vent à contre-sens (à l’aller et au retour), les vagues des bateaux à moteur, le soleil plombant (j’avais pas mis de crème, la faute aux prédictions météo qui annonçaient des orages), l’absence de berge/quai permettant d’amarrer près de la caverne, l’élancement dans le cou et les ampoules aux mains, j’ai pu visiter une caverne éclairée aux couleurs de l’arc-en-ciel et il m’est resté de l’argent pour prendre un chocolat chaud.

P.S. J’ai pris mon chocolat chaud trop tôt; c’tait pas la fin des aventures. L’autobus pour retourner à Skopje n’est jamais passé. Nous avons dû faire du pouce, les Hollandais et moi, pour revenir dans la capitale…

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Le généreux jeune couple d’Hollandais

 

 

 

 

 

Skopje: De la démesure

J’ai fait le saut en Macédoine, à Skopje. C’est parmi les plus petits pays que j’ai visités… et pourtant, quand tu vas voir les bâtiments et les statues du centre de la ville, tu vas croire que je suis rendue dans la capitale… d’un empire. Rien de moins. Tu me diras si tu trouves quelques choses de «modeste» dans les images.

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Pont de la culture, Skopje, Macédoine

Une des premières questions que je me suis posées c’est «Qui paie pour ça?». Le centre de la ville, c’est simplement  la dé-me-sure en parsonne.

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Musée archéologique, Skopje, Macédoine

De l’antique récent. Un ensemble urbanistique qui semble viser la surcharge, la décadence. Difficile de résister au spectaculaire, en tous cas. C’est peut-être exactement le but : on a envie d’y retourner pour comprendre pourquoi on feele de même.

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Bâtiment ministériel, Skopje, Macédoine

Pauvres jeunes qui naîtront dans la capitale, ils risquent de ne jamais être impressionné.e.s par la côte magnétique de Chartierville!

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Skopje, Macédoine

Alors, la question demeure, pourquoi un si petit pays démocratique enclavé, avec peu d’habitants et une faible économie, bâtie des ponts et érige des statues coûtant des millions d’Euros dans sa capitale?

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Le guerrier à cheval (ou Alexandre le Grand), Skopje, Macédoine

En 1963, quand la Macédoine est une des républiques de la fédération yougoslave, un tremblement de terre détruit tous les bâtiments de valeur historique et culturelle. Cela incluant les musées, il n’est rien resté des artefacts qui y étaient exposés ou conservés.

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Arc de triomphe (sans triomphe militaire…), Skopje, Macédoine

Il y a plus de 1000 morts; la communauté internationale se rallie pour le déblayage, la reconstruction, l’aide (toit, nourriture, soins). Pour la première fois de la guerre froide, des soldats russes et états-uniens cohabitent dans la même ville… de façon pacifique! Les joies de la neutralité de la Yougoslavie de Tito. Le meilleur des deux mondes en termes d’alliance politique : ne pas choisir entre l’URSS et les É.-U..

Le centre-ville devant être reconstruit, le plan d’urbanisme d’un architecte japonais est adopté. Futuriste et résolument moderne. Le plan n’a malheureusement jamais été complété.

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Les bureaux de la poste macédonienne, Skopje

En 2010, un autre plan voit le jour. Celui du premier ministre du moment lui-même (en tous cas, selon ses dires), le plan «Skopje 2014». Une véritable campagne de propagande architecturale, mettant en valeur l’Homme macédonien et son passé à travers un processus d’«antiquitisation».

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Pont de l’histoire, Skopje, Macédoine

 

Et j’utilise «Homme» sciemment. Parmi les statues à perte de vue (on en perd même le décompte), la seule femme qui soit identifiable (et même pas identifiée) est Olympe, la mère d’Alexandre le Grand. Qui, bien sûr, peut être fière d’avoir enfanté un général si brillant qu’il n’a pas perdu une seule bataille. Ainsi donc, cet accomplissement seul mérite qu’on lui dédie une fontaine où quatre statues la représentent à quatre stades de la vie d’Alexandre : enceinte, allaitant, lui faisant un câlin, essuyant son menton…

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La fontaine d’Olyme, celle de Philippe II en arrière-plan, Skopje

Tout près, la fontaine de Philippe II de Macédoine (le père d’Alexandre) lui fait, littéralement, de l’ombre. Elle fait presque trois fois la hauteur de celle d’Olympe, mais lui, on ne le voit pas en train de changer une couche, de border Alexandre ou de jouer au soccer (lancer un disque?!) avec lui… pauvre Philippe dont la paternité n’est pas soulignée.

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La prêtresse péonienne, Musée archéologique, Skopje

Ce serait honteux de passer sous silence la seconde femme à qui on a dédié une statue au niveau des passants (les attributs féminins des autres décorent quelques corniches à 5 mètres et plus de la rue). Au beau milieu du pont qui mène au Musée archéologique se dresse une prêtresse péonienne (les Péoniens, peuple habitant le territoire de la Macédoine, ont été conquis par le père d’Alexandre au IVe siècle av. J.-C.). On ne lui a pas donné de nom, mais on dit que la société dans laquelle elle vivait était probablement matriarcale. Ses os et ses parures reposent dans le musée archéologique. Son importance est  déduite par l’énorme disque de bronze (symbole de pouvoir) qu’elle portait à la ceinture. Quand on m’a expliqué qui c’était, on a tout de même trouvé le moyen de banaliser son pouvoir en soulignant que son influence était probablement due à l’opium que contenait le médaillon qui pendait à sa ceinture… ( B’en oui, Ève enfirouape Adam. Pauvre Adam qui n’a pas reçu le don de l’esprit critique par sa fée marraine.)

Je sais, on a aussi de la difficulté avec la diversité de nos statues au Québec (pour un paquet de raisons, bonnes et moins bonnes), mais j’ai tout de même posé la question au guide. Il a fait un sourire triste et m’a répondu qu’historiquement les Macédoniennes n’ont pas pu se mêler d’affaires publiques et donc que les autorités n’ont pas pu en choisir qui aient marqué la culture ou l’histoire du pays pour figurer sur un de leurs ponts du centre de la ville. Pourtant, moi, j’ai vu sur le pont des hommes (bien identifiés, avec leur nom inscrit) qui ont vécu au XXe et même qui sont décédés au XXIe siècle… mais c’est pas une raison suffisante pour faire la grève générale de la procréation faut croire.

Je conclue en te laissant savoir que le nouveau gouvernement (élu en partie à cause de l’insatisfaction du peuple envers le plan «Skopje 2014» et tout l’argent public injecté dans l’«antiquitisation» des bâtiments du centre-ville) est en train de mener une campagne de «déconstruction» des projets qui sont le plus critiqués ou qui sont une insulte à l’histoire macédonienne.

Qui paie pour ça, dont?

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